SAC Capital, retour sur l’affaire.

SAC Capital est ce que l’on appelle dans le jargon financier, un « Hedge Fund » ou souvent qualifié de fonds spéculatif. Ces fonds se différencient des fonds « classiques » par leurs techniques de gestion dîtes alternatives, souvent basées sur des modélisations mathématiques très élaborées (trading haute fréquence, algo trading, etc). Ces fonds sont souvent dédiés à une clientèle très fortunée, triée sur volet (en tout cas c’était le cas pendant longtemps, même si ce genre de produit à tendance à se démocratiser depuis quelques années), et sont également connus pour être des « black box », c’est-à-dire des structures où les stratégies de gestion sont farouchement gardées au secret. Ce sont des sociétés qui sont agréées pour investir sur tout type d’instrument financier, n’importe où dans le monde. A la différence des sociétés de gestion classiques, elles ne sont pas contraintes par des ratios de gestion, et profitent donc d’une liberté totale.

C’est en fait un monde peu connu et peu suivi, dont seuls quelques échos nous parviennent de temps en temps, au gré des success story (Warren Buffet, Georges Soros, Jim Simons) ou au contraire des faillites (LTCM). Mais aujourd’hui, c’est pour une affaire de délit d’initié que SAC Capital est jugé. Évidemment, ce n’est pas la première fois que l’on entend parler de délit d’initié dans la finance, et sûrement pas la dernière fois non plus…quoique…

Pour l’exemple, et pour marquer les esprits, la société à été condamnée au pénal à payer 1,8 milliard de dollars à l’administration américaine. De plus, tous les gérants de la société n’ont plus le droit d’exercer leur profession pendant au moins  cinq années. Mais dans leur peine, ils ont malgré tout de la chance, car ils n’encourent pas de peine de prison.

En 2012, Raj Rajaratnam, fondateur du fonds Galleon, a été condamné à onze ans de prison pour avoir profité d’une information privilégiée, sur l’entrée au capital de la banque Goldman Sachs du fonds Berkshire Hattaway (de Warren Buffet). Il avait obtenu cette information d’un ancien administrateur de la banque, Rajat Gupta (qui lui, a été condamné à deux ans de prison).

Mais je m’écarte du sujet premier…

Dans les lignes ci-dessous, je vais reprendre un extrait de l’accusation contre SAC Capital, tiré des documents officiels dont j’ai renseigné la source plus bas (le blog DealBook) :

The Grand Jury Charges :

1. As described below, this Indictment charges the corporate entities responsible for the management of a major hedge fund with criminal responsability for insider trading offenses committed by numerous employees and made possible by institutional practices that encouraged the widespread solicitation and use of illegal inside information. Unlawful conduct by individual employees and an institutional indifference to that unlawful conduct resulted inn insider trading that was substantial, pervasive and on a scale without known precedent in the hedge fund industry.

Extrait de la page 1 du document « Criminal Indictment of SAC », publié sur le blog DealBook.

Il est explicitement dit dans les lignes ci-dessus que la société SAC a profité d’informations privilégiées (insider trading) grâce à plusieurs employés, et que la société a même encouragée et institutionnalisée cette pratique, d’une manière encore jamais vue dans le domaine de la finance.

C’est en effet une machine bien rodée qui a été mise en place, au travers de filiales appartenant à la maison mère SAC Capital. Quatre structures sont mises en cause, CR Intrinsic Investor LLC, Sigma Capital LLC, SAC Advisor LLC et SAC Advisor LP. Toutes ces filiales sont enregistrées au registre du commerce du Delaware, un État de la côte Est des États-Unis, connu pour être un paradis fiscal, et proposent des services de gestion de fonds et de conseil en investissement financiers.

Plusieurs systèmes sont mis en place pour obtenir ces informations privilégiées. Dans un premier temps, ces structures embauchent des gérants et des analystes qui arrivent à justifier des accès à des informations privilégiées (notamment grâce à leurs réseaux). Dans un second temps, de confortable bonus incitent les employés à produire des « high conviction trading idea », basées sur des « inside informations ». Enfin, à plusieurs reprises, la société a fait échouer des procédures de conformité afin de couvrir ces  agissements.

Un autre extrait du document, sur la procédure d’embauche :

The Hiring of SAC PMs and RAs With Access To Inside Informations

17. The first stage of SAC’s hiring process was handled by the SAC « business development » department, which sought to build relationships with and recruit SAC PMs and SAC RAs. E-mails from the  business development team to the SAC Owner and others reflected emphasis on hiring personnel with company contacts in their respective sectors. For example, a brief write-up of SAC PM candidate specializing in the industrial sector forwarded to the SAC Owner on or about November 16, 2008, described the candidate as « the guy who knows the quarters cold, has a share house in the Hamptons with the CFO of [a Fortune 100 industrial sector company], tight with management. »

Extrait de la page 14 du document « Criminal Indictment of SAC », publié sur le blog DealBook. PM : Portfolio Managers ; RA : Research Analyst.

Pour celles et ceux qui sont curieux, le document que je cite et que vous pouvez retrouver ici regorge de faits prouvant la culpabilité de la société, et les méthodes employées pour parvenir à leurs fins.

Évidemment, le montant de cette amende peut donner des vertiges, mais face à onze années de prison, je trouve que c’est un « fair price »…c’est peut-être le prix de la liberté aux États-Unis ? Faute de quoi, ça montre au moins que la liberté n’a pas de prix.

Il n’empêche, je ne pense pas que cela empêchera Steven A. Cohen, propriétaire et fondateur de SAC Capital, de dormir. A l’heure où j’écris ces lignes, il est encore la 117ème plus grosse fortune du monde (et 41ème au classement Américain), avec un joli patrimoine estimé à 9,4 milliards de dollars (données tirées du site internet Forbes).

Ressources :

http://www.nytimes.com/interactive/2012/11/21/business/dealbook/20121121insider-document.html?_r=1&

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